jeudi 24 juin 2021

J-7. Cochonnailles


Photo: Christian Belloteau



Christian Belloteau

Photographe amateur dans l’âme, j’ai toujours pratiqué la photographie en me laissant guider par les réflexes du cœur. Fixer l’instant qui procure l’émotion est primordial dans ma démarche.

Un paysage, une fleur, un nuage sur l’horizon, le sourire d’un enfant ou celui d’un visage ridé par la vie sont autant de sujets auxquels je m’attache. Depuis cinquante ans, j’essaie de marcher dans les pas des grands Maîtres qui ont contribué à construire et faire fructifier mon regard. Henri Cartier-Bresson, Robert Doisneau, Willy Ronis, Izis, sans oublier Diane Arbus, Elliott Erwitt ou Ansel Adams pour le paysage, bercent mes yeux de leurs merveilleuses images. La photographie noir et blanc est ma prédilection car elle mène à l’essentiel, ce qui est loin d’être acquis pour l’amateur que je suis.

La journée du cochon

Autrefois la journée du cochon était l’occasion de réunir famille et ami-e-s afin de préparer les victuailles pour les beaux jours. La cochonnaille faisait partie des repas quotidiens. Jambon, grillon, boudins ou saucisses accompagnaient souvent le casse-croûte de l’agriculteur qui se prenait au bout du champ sous l’ombrage bienfaisant d’un cerisier ou d’un noyer.Tout est bon dans le cochon disaient-ils.

Ce sont ces souvenirs d’enfance qui m’ont conduit à mettre en images ce cérémonial encore pratiqué par une bande de vieux copains. Je me souviens de ces hurlements horribles qui me faisaient boucher les oreilles jusqu’à ce qu’une lame bien effilée vienne les éteindre. Peur encore quand je voyais la carcasse suspendue comme un fantôme dans la pénombre de la grange. Le lendemain de cette mise à mort se transformait en fête. La longue table de chêne se graissait avec des zébrures de sang alors que la journée s’avançait. Le parfum poivré de la cuisine flattait les narines et la chaleur de l’âtre faisait oublier la froidure du dehors.