lundi 22 mars 2021

Ce jour-là à Bourisp... . C'était le 6 janvier 1838.

Millet, vers 1861


L'économie symbiotique! La Communauté de Communes Aure Louron vient de lancer une étude sur la meilleure façon de développer dans nos vallées l'économie symbiotique.

Comme souvent dans les problématiques du moment un regard sur notre histoire peut nous aider à trouver des éléments de réponses. Un exemple d'économie symbiotique en ce premier tiers du 19ème siècle: le ramassage et la valorisation des boues qui jonchent les rues du village.

En ce début du 19ème donc, tout est précieux, à Bourisp comme dans la vallée, comme sans doute dans toutes les campagnes françaises. Les terres sont limitées et les troupeaux nombreux. A Bourisp à cette époque là, plus d'une vingtaine d'éleveurs se partagent la terre pour environ 500 vaches auroises et chevaux navarrais.

Bourisp est une commune de petite superficie, moins de deux kilomètres carrés dont un gros tiers occupés par le village et la forêt. Les superficies moyennes par éleveur sont de l'ordre de six hectares. Bien sûr il y a les estives, Grascoué, le Rieumajou..., mais c'est pour le printemps et l'été. 

Il faut donc que chaque are de prairie produise une herbe grasse et abondante. C'est pour cela qu'un système d'irrigation très élaboré a été mis en place (on y reviendra dans un prochain billet). C'est pour cela aussi que les boues (bouses des vaches et crottins des chevaux) sont précieuses pour enrichir la terre à une époque où c'est le seul moyen. Fumure précieuse pour les jardins aussi.

100 ans plus tard. Photo collection Amis du Vieux Bourisp
Ecologistes avant l'heure par nécessité et par bon sens, les Bourispois ont le sens de l'économie, du recyclage, des circuits courts. On se suffit de ce que l'on a sous la main. On construit les maisons, les étables et les granges avec le bois de la Serre ou du Rieumajou, les ardoises de La Coste et les lavasses du Pouy. Et les maisons sont solides, toujours debout après 200 ans et pour de nombreuses décennies encore.


Pourquoi laisser perdre ce qui est utile, nécessaire et même précieux? C'est le cas des boues déposées dans les rues du village par les troupeaux qui vont ou reviennent des prés et qui vont boire à la fontaine. D'une pierre deux coups: contribuer à la salubrité du village, mais aussi utiliser ce fertilisant naturel. Ces boues sont si précieuses que celui qui est chargé de les ramasser doit payer pour cela.

On le sait, les villages de la vallée sont organisés de longue date et les sujets d'intérêt commun se règlent dans la clarté et la rigueur. C'est ainsi que ce 6 janvier 1838 sont organisées les enchères publiques pour l'attribution du droit de ramasser les boues dans les rues. Le mieux disant remportera le marché pour un an. 

Voici le compte-rendu de ces enchères, déniché dans les archives départementales des Hautes-Pyrénées:

Source: Archives Départementales 65
"Cahier des charges pour la boue des rues depuis la cantonnière de la maison commune jusqu'au portail de Camarade et dans l'autre rue jusqu'à la grange de Martin. On ramassera le fumier dans le temps sec avec un balai, et jamais avec des instruments en fer, il est défendu d'en ramasser au-delà de la gondole qui est devant la fontaine sous peine de l'amende, il est encore permis de ramasser le fumier sur la place publique.Celui qui contreviendra aux clauses sus dites sera susceptible de l'amende, le produit de la dite adjudication sera versé cher M. le receveur municipal au 28 septembre prochain, les frais du présent seront à la charge du fermier."



Les règles étant ainsi posées, on procède aux enchères. Mise à prix à 17 francs, les enchères montent: 18, 19 puis 20 francs. La meilleure enchère s'établit à 20 francs et 4 fûts de vin et le "Sieur Barthélémi Sans" remporte le marché. C'était le 6 janvier 1838.

Source: Archives Départementales 65