mercredi 25 novembre 2020

La sagesse des anciens

Le 10 mai 1862 le conseil municipal de la commune de Bourisp est réuni. Sont présents MM. Donnez Marc aîné, Paucis François, Picasse François, Picasse Dominique, Ladrix Vital, Brac Bernard l’Île, Martin Jean, Douce Bernard et Baratgin, maire.

Ce dernier expose ce qui suit (source : archives départementales des Hautes-Pyrénées). La démonstration qu'il fait démontre une bonne connaissance du pays et une grande sagesse.

« Vous savez que le sieur Baptiste Soulé est propriétaire d’un ancien -mot illisible-  situé au sud de la commune, sur la rive gauche du ruisseau de la Mousquère (il s’agit ici du terrain situé face à l’actuelle usine électrique, rive gauche du torrent).

Il a vendu cet emplacement à un certain Dutech, celui-ci à ce qu’il paraît voudrait y construire une usine à scier le bois ; à ces fins, le sieur Soulé a demandé pour lui ou son ayant droit la cession d’un terrain communal situé sur la rive droite dans l’objet de prolonger le canal et d’y asseoir un pont qui couvrirait le lit du ruisseau et relierait ainsi la rive droite avec l’usine.

Pouvez-vous accorder ce que l’on vous demande ? Ne compromettriez vous pas votre avenir et votre intérêt ?

Avant de me prononcer sur ces deux points permettez-moi de présenter quelques détails topographiques ; ils me fourniront du raison à l’appui de l’opinion que je dois émettre.

Le ruisseau de la Mousquère roule ses eaux emprisonnées dans une coupure profonde, elles descendent de la montagne d’une manière verticale, animée d’une grande vitesse entre les deux rives escarpées de cet espèce de goulot, immédiatement après ses eaux baignent la plaine de Bourisp et obéissent lentement à la déclivité du terrain qui les mène à la Neste.

Le canal et le pont que Soulé a le projet de construire sur la Mousquère aurait le double inconvénient, d’une part d’enfermer le volume de la Mousquère dans un lit artificiel en refoulant ses eaux dans l’espace le plus étroit ; agir ainsi c’est méconnaître l’action puissante de ces eaux furieuses, et d’autre part l’établissement d’un pont sur la Mousquère en rapprochant les bords du ruisseau, augmenterait sa pression sur le fond du lit puisqu’elle est évidemment proportionnelle à la hauteur de l’eau. Cette double construction du canal et du pont, froissée, corrodée, affouillée par les efforts du torrent serait bientôt emportée par la violence du torrent, après avoir été détruite, elle augmenterait le mal parce que les matériaux qui la composent, le bois qui s’y trouverait formerait un obstacle au cours du ruisseau, le détournerait et le diviserait pour une portion vers la terre ; considérant pour ce premier point de vue, la demande du sieur Soulé ne saurait être accueillie parce qu’elle n’offre aucune garantie pour la propriété et qu’elle augmente le péril commun. »



Ce jour là, le projet du Sieur Soulé fut repoussé à l’unanimité des membres du conseil municipal.

Plus tard une scierie fut construite à cet endroit, reliée par un pont à la rive droite.
Au printemps 2013, lors d’un accès de fureur particulièrement marqué, la Mousquère emporta une bonne partie de la scierie, sans doute plusieurs fois reconstruite depuis 1862, devenue résidence secondaire et le pont qui la reliait à la rive droite. L’ensemble a été détruit en 2015.