En ce milieu du 19ème siècle, les Bourispois font une nouvelle fois la preuve qu'ils savent s'administrer eux-mêmes, avec sagesse et sens de la démocratie. Respectueux de l'administration et des autorités de l'Etat, ils ne s'en laissent pourtant pas compter.
Ce jour là, en 1865, le conseil municipal a à traiter un sujet d'importance: la répartition équitable de l'eau d'irrigation des prairies. Sont réunis MM Donnez aîné, Ladrix, Brac, Martin, Picasse, Picasse Dominique, Douce adjoint, Baratgin maire. Voici le compte-rendu de cette séance (fax-similé puis transcription en italiques bleues, commentaires en noir).
"L'an mil huit cent soixante cinq et le vingt-deux juillet, le conseil municipal de la commune de Bourisp assemblé en lieu ordinaire de sa séance sous la présidence de M. Baratgin, maire, en vertu de l'autorisation de M. le Sous-Préfet en date du même mois et ensuite à la convocation faite par M. le maire.
Présents MM Donnez aîné, Ladrix, Brac, Martin, Picasse, Picasse Dominique, Douce adjoint, Baratgin maire."
"M. le maire a dit: vous savez que l'eau du ruisseau appelé Mousquère qui coule dans le territoire de la commune sert à l'irrigation au pré; que cela s'est pratiqué de tous les temps et forme un usage très ancien et constamment suivi."
Quelques abus ayant été constatés, il fut décidé de formaliser ces pratiques anciennes et de proposer au Sous-Préfet un tableau de partage des eaux. Mais le Sous-Préfet demande un règlement soumis à son approbation et enquête publique, ce que conteste le conseil qui souhaite s'en tenir à un tableau de partage élaboré en accord et avec tous les intéressés. C'est l'objet de la réunion du jour.
Tel est le point sur lequel vous êtes invité à délibérer.
Sur ce, le conseil après avoir mûrement discuté, a résumé son avis dans les considérants suivants:"
"Considérant que rien de semblable ne se découvre dans l'espèce, que le mode de règlement proposé par M. le Sous-Préfet serait fort dispendieux et sans utilité pour les intéressés, qu'il est repoussé par l'intérêt privé qu'on ne peut d'assujettir à due charge que lorsqu'elles sont indispensables ou imposées par la loi..."
En clair et en bref, les Bourispois en resteront aux règles qu'ils se sont eux-mêmes fixées et non nul besoin de l'administration en la matière.
On l'aura compris, le conseil ne souhaite nullement que l'administration se mêle du partage des eaux entre les éleveurs de Bourisp et souhaite que les Bourispois gèrent leurs affaires eux-mêmes.
"Par sa dépêche en date du 8 juin dernier, M. le Sous-Préfet invitait M. le maire à faire un projet de règlement d'eau, de le soumettre ensuite à l'approbation de l'autorité compétente.
cet ordre a été exécuté, tous les intéressés se sont réunis et ils ont procédé à la règlementation des eaux en fixant les jours et heures eu égard à la quantité de terrain de chacun d'eux"
Le conseil ne souhaite pas obtempérer aux ordres du Sous-Préfet et argumente:
"Considérant en principe qu'il n'y a lieu à observer la formalité relevée par M. le Sous-Préfet que lorsque le mode de jouissance des eaux consacré par l'usage éprouve des difficultés et encore là cette mesure ne s'applique-t-elle qu'aux rivières non navigables; La loi du 14 floréal an XI ne mentionne nullement les ruisseaux; un règlement d'administration publique n'est donc nécessaire que dans le cas qui est prévu, et ne s'applique pas au cas présent."
"Considérant que l'intérêt est le principal mobile aux actions humaines; qu'il est aussi le principe de la régulation du droit; qu'il est vrai de dire que toute présentation qui est dénuée d'intérêt et qui est sans utilité ne doit pas être admise.
Considérant que la loi permet aux propriétaires de s'accorder entre eux relativement à l'usage des eaux; qu'il n'y a lieu de recourir à l'administration que lorsqu'il y a contestation sur la distribution des eaux d'arrosage, ce qui implique la fixation d'un volume d'eau par des moyens hydrauliques..."
Bref, déjà en 1865, on dénonce la sur-règlementation qui vient compliquer inutilement les choses...
Cher et inutile donc.
"En conséquence le conseil après en avoir délibéré est d'avis à l'unanimité qu'il n'y a pas lieu d'adopter le mode proposé par Monsieur le Sous-Préfet, ...voir de suite le règlement en date de juillet courant et invite M. le maire à le faire sanctionner par l'autorité compétente en conformité des instructions du 8 juin dernier."