dimanche 16 janvier 2022

L'eau dans chaque maison de Bourisp (3)


En 1947 donc (voir billets des 16 décembre 2021 et 9 janvier 2022), le projet de réalisation d'un réseau d'eau alimentant chaque foyer est en marche. La question à Bourisp, en 1947 comme aujourd'hui, n'est pas la ressource en eau, qui est suffisante pourvu qu'elle soit bien gérée. Le problème est de créer et entretenir le réseau de distribution.

Et, tous les élus, d'ici ou d'ailleurs,  peuvent attester que les problèmes techniques et les travaux ne sont pas la difficulté majeure. Non, ce qui est difficile, c'est de réunir les financements et de répondre aux nombreuses exigences règlementaires, 

La délibération du Conseil Municipal de Bourisp en date du 15 juillet 1947 en apporte un excellent exemple.

"M. le Président a ouvert la séance et a fait connaîre que la réunion avait pour objet l'examen du  projet d'utilisation des eaux captées pour l'alimentation du village dressé par MM. Michaud et Prêtre et devant entraîner une dépense totale de 2.150.000 francs."

A noter que 2 150 000 francs de 1947 équivalent à 125 000 euros environ aujourd'hui. (source Insee)



"M. le Président rappelle que d'après la législation en vigueur la déclaration d'utilité publique des travaux est indispensable pour autoriser la déviation des eaux à utiliser, acquérir par voie d'expropriation, à défaut d'accord amiable, les terrains nécessaires à la réalisation du projet et grèver de servitudes légales les terrains compris à l'intérieur du périmètre de protection contre la pollution des eaux."

Cette phrase prononcée par le Maire laisse entrevoir l'ampleur de la tâche: diligenter une enquête publique, négocier l'acquisition de terrains ou procéder aux expropriations, poser les servitudes légales, définir les périmètres de protection, les acquérir et les protéger de clôtures... autant de réunions avec la population, les experts, commissaires enquêteurs, géomètres, notaires, avocats peut-être, fonctionnaires de l'Agence de l'Eau ou équivalent de l'époque...


"Il invite le Conseil à prendre connaissance du projet, l'adapter s'il y a lieu, créer les ressources nécessaires à sa réalisation, prendre l'engagement indispensable en vue de la déclaration d'utilité publique des travaux, solliciter en outre une subvention sur les fonds du Ministère de l'Agriculture et un emprunt qui fera l'objet d'une délibération ultérieure."

Il faudra donc solliciter les services de l'Etat, le préfet sans doute, mais aussi négocier avec les banques et peut-être - nous le verrons plus tard - faire preuve d'imagination et de solidarité pour réunir les fonds nécessaires.


"Le Conseil, après en avoir délibéré, adopte intégralement le projet dressé par MM. Michaud et Prêtre et fixe définitivement la dépense nécessaire à sa réalisation à 2.150.000 francs,
- décide de faire face à cette dépense par les ressources ci-après: subvention de l'Etat et emprunt,
- demande l'ouverture de l'enquête en vue de la déclaration d'utilité publique.
.../..."
Les élus ont adopté le projet et donnent ainsi le coup d'envoi à sa réalisation. Des délibérations ultérieures fixeront le détail du financement.



".../...
- prend l'engagement d'indemniser les usiniers, irriguants, et autres usagers des eaux de tous les dommages qu'ils pourraient prouver leur avoir été causés par la dérivation des eaux,
- prend l'engagement d'inscrire au budget annuel les crédits nécessaires pour couvrir les frais d'entretien, d'exploitation et de surveillance des installations, ainsi que ceux destinés à faire face aux dépenses de travaux de grosses réparation et aux dépenses extraordinaires."

De tels travaux ne peuvent se faire sans difficultés: il faudra percer les rues, traverser des propriétés privées, dévier l'écoulement habituel des eaux. Tout cela ne se fera sans désagrément et peut être sans préjudice. Le Conseil prévoit les indemnisations afférentes.

Le Conseil sait aussi qu'il ne suffira pas de créer le réseau, il faudra assurer son exploitation et sa maintenance, autant de dépenses qu'il faut inscrire au budget. 

Ouvrir un robinet et voir aussitôt couler une eau claire et de qualité n'est pas un miracle. C'est le résultat du travail de création et d'entretien du réseau depuis 1947.


A suivre..

"Le progrès était dans l’horizon des existences. Il signifiait le bien-être, la santé des enfants, le savoir, tout ce qui tournait le dos aux choses noires de la campagne et à la guerre. Il était dans le plastique et le Formica, les antibiotiques et les indemnités de la sécurité sociale, l’eau courante sur l’évier et le tout- à-l’égout, les colonies de vacances, la continuation des études et l’atome. Il faut être de son temps, disait-on à l’envi, comme une preuve d’intelligence et d’ouverture d’esprit."
Les Années (2008) de Annie Ernaux